Reinheit. Bei den Hethitern.
 

publié dans Reallexikon der Assyriologie 11, 2007, p. 299-300

 


L’état de pureté dit aussi « pureté rituelle » est un élément central de la pensée religieuse hittite telle que les textes cunéiformes nous l’ont transmise. Définir précisément cet état n’est pas chose aisée, car il correspond manifestement à la convergence de plusieurs facteurs distincts.

§ 1. Propreté physique. L’on constate que l’adjectif parkui- signifiant « pur » prend également souvent l’acception de « propre » (CHD P, 163-166). Les instructions aux membres du personnel du temple mettent l’accent sur l’importance attribuée à la propreté des offrandes alimentaires et des personnes chargées de les confectionner et de les déposer sur la table divine (Süel 1985, 22-23).
Un tel témoignage nous amène à penser que les dieux sont les premiers concernés par cette notion de pureté rituelle des mortels : la pureté est une condition indispensable à tout contact entre un homme et une divinité. En effet, l’impureté est un état contagieux qui provoque la pollution d’un lieu et de ce qui s’y trouve (voir Hoffner 1997, 52-53). Or, lorsqu’elle entre en contact avec eux, l’impureté est susceptible de contaminer les dieux eux-mêmes (Moyer 1969, 49-50). Le temple doit lui-même rester à l’écart de toute souillure pour protéger son ou ses divin(s) habitant(s) (ex : Dardano 2006, 37).
La pureté rituelle du roi est un objet de préoccupation permanente (van den Hout 1998), car d’elle dépend la bonne relation entre le monarque et les dieux. Or, le souverain est le représentant de l’ensemble du pays, il est le garant du bien-être du peuple hittite. Son état de pureté est donc une affaire d’état (voir von Schuler 1957, 28-29). Compte tenu du caractère sacré du roi, ses proches et ses serviteurs directs doivent eux aussi prendre garde à leur état de pureté. Il en va de même pour les autres personnages jouissant de relations privilégiées avec le divin, à savoir principalement les prêtres (de Martino 2004) et sans doute aussi les devins.

§ 2. Absence de faute. Les textes religieux hittites font de nombreuses allusions à l’étroite relation qui existe entre faute et pureté (ex : Sommer/Ehelolf 1924, 4*-5*). Etant donné qu’une faute peut également être héritée d’un parent (Singer 2002, 63), il est bien difficile d’entrer – et surtout de rester – dans l’état de pureté souhaité. Pour les mortels se trouvant fréquemment en présence des dieux, rester impur signifie être dépourvu de protection divine, ce qui revient à être la proie à toutes sortes d’entités maléfiques. De l’état de pureté d’un individu dépend donc également sa santé, car les attaques démoniaques entraînent souvent une maladie.
L’adjectif parkui- « pur, propre » se traduit également dans certains contextes par « dénué/libéré de … ». La pureté semble ainsi se définir en négatif : elle est avant tout l’absence de toute impureté (Wilhelm 1999, 198). Cette dernière (papratar : CHD P, 103-106) agit visiblement elle aussi sur deux plans : physique et mental. Bien qu’elle puisse découler de la perpétration d’une faute, elle peut être engendrée par bien d’autres événements, que les rituels énumèrent (Moyer 1969 et Engelhard 1970, 71-78). En bref, tout ce qui pour les Hittites n’est pas acceptable (natta āra : Cohen 2002), tous les événements qu’ils considèrent comme des anomalies sont susceptibles de provoquer une grave impureté car ils mettent en danger l’équilibre fragile régissant les relations entre les dieux et les hommes (Wilhelm 1999, 206).

§ 3. Conditionnement rituel. L’état de pureté implique en outre un conditionnement rituel, un traitement magique. Les techniques purificatrices sont nombreuses et presque toujours combinées les unes aux autres pour garantir la réussite du rituel. Sans parler de l’exorcisme et de la substitution qui impliquent eux aussi une phase de purification, plusieurs agents magiques ont manifestement des vertus purificatrices. C’est le cas du feu (Mouton, à paraître), de l’encens et de l’eau (Strauss 2006, 342-343), par exemple. Bien d’autres objets et substances pourraient être mentionnées, dont l’emploi varie selon les régions de l’Anatolie (Haas 2003 et Strauss 2006).
Mais le processus de purification ne peut se faire sans l’accord des dieux, car ce sont eux qui agissent à travers l’intervention du praticien. Outre l’omniprésence d’offrandes faites aux dieux lors des différents rituels cathartiques (Strauss 2006, 29-33), qui illustre bien ce fait, une incantation participant au rituel de Tunnawi(ya) l’exprime clairement (Goetze 1938, 20-21 et CHD P, 105). Quelle que soit la méthode adoptée pour lutter contre l’impureté, celle-ci est toujours considérée pour les besoins du rituel comme un élément tangible (Wilhelm 1999, 198). Par le biais de la magie analogique (Torri 2003), on l’identifie à une chose que les dieux, auteurs véritables de la purification, pourront manipuler plus aisément.



G. Beckman 1983 : Hittite Birth Rituals (= StBoT 29).

O. Carruba 1966 : Das Beschwörungsritual für die Göttin Wišurijanza (= StBoT 2). – Y. Cohen 2002 : Taboos and Prohibitions in Hittite Society. A Study of the Hittite Expression natta āra (‘not permitted’) (= THeth. 24).

P. Dardano 2006 : Die hethitischen Tontafelkataloge aus Hattuša (CTH 276-282) (= StBoT 47). – S. de Martino 2004 : Or 73, 348-362.

D. H. Engelhard 1970 : Hittite Magical Practices : an Analysis, PhD Brandeis University.

P. Goedegebuure 2002 : Phoenix 48, 93-102. – A. Goetze 1938 : The Hittite Ritual of Tunnawi (= AOS 14).

V. Haas 2003 : Materia magica et medica hethitica. Ein Beitrag zur Heilkunde im Alten Orient. – H. A. Hoffner 1987 : AuOr 5, 271-287. – id. 1997 : The Laws of the Hittites. A Critical Edition (= DMOA 23).

A. Mouton. à paraître : « Quelques usages du feu dans les rituels hittites et mésopotamiens », RHR. – J. C. Moyer 1969 : The Concept of ritual Purity among the Hittites, PhD Brandeis University.

I. Singer 2002 : Hittite Prayers (= SBL 11). – F. Sommer et H. Ehelolf 1924 : Das hethitische Ritual des Pāpanikri von Komana (KBo V 1 = Bo 2001). Text, Übersetzungsversuch, Erläuterungen (= BoSt 10). – R. Strauss 2006 : Reinigungsrituale aus Kizzuwatna. Ein Beitrag zur Erforschung hethitischer Ritualtradition und Kulturgeschichte. – A. Süel 1985 : Hitit kaynaklarında tapınak görevlileri ilgili bir direktif metni (= Ankara Üniversitesi Dil ve Tarih-Coğrafya Fakültesi Yayınları 350).

G. Torri 2003 : La similitudine nella magia analogica ittita (= Studia Asiana 2).

A. Ünal 1993 : BMECCJ 7, 119-139.

T. van den Hout 1998 : The Purity of Kingship. An Edition of CTH 569 and Related Hittite Oracle Inquiries of Tuthaliya IV (= DMOA 25). – E. von Schuler 1957 : Hethitische Dienstanweisungen für höhere Hof- und Staatsbeamte. Ein Beitrag zum antiken Recht Kleinasiens (= AfO Beiheft 10).

G. Wilhelm 1999 : « Reinheit und Heiligkeit. Zur Vorstellung altanatolischer Ritualistik », in: H. -J. Fabry/H. -W. Jüngling (ed.), Levitikus als Buch, Berlin/Bodenheim bei Mainz, 197-217. – D. P. Wright 1987 : The Disposal of Impurity. Elimination Ritues in the Bible and in Hittite and Mesopotamian Literature (= SBL Dissertation Series 101).


A. Mouton